II. LE NATURISME ENTRE DEUX GRANDES FAMILLES DE PENSÉE – IDÉALISME ET MATÉRIALISME

© Vangelis Aragiannis

« Il n’y a que les peuples barbares pour croire que la vue d’un homme nu est un spectacle honteux et affreux » – Platon

La philosophie occidentale nous dit-on, est née des courants de l’Antiquité grecque qui a connu trois périodes :

  • les penseurs présocratiques, entre le milieu du VIIe et le Ve siècle avant J.-C., comme Thalès, Anaximandre, Pythagore, Héraclite, Parménide, Anaxagore, Empédocle, Zénon, Leucippe et Démocrite (même si ces deux derniers sont nés après Socrate et morts 30 ans plus tard…), que l’on considère comme les fondateurs de la philosophie occidentale ;
  • la philosophie grecque classique, (au Ve et IVe siècle avant J.-C.), qui fleurit à Athènes, d’abord avec Socrate, puis avec son disciple Platon et avec l’élève de ce dernier, Aristote, ainsi que les quatre écoles dites « socratiques » (Cyniques, Cyrénaïques, Mégariques et d’Élis) ;
  • la philosophie hellénistique, (après la mort d’Alexandre le Grand, en 323 av. J.-C.), qui comprend trois écoles principales : l’Épicurisme, le Stoïcisme et le Scepticisme.

Or, selon Diogène Laërce les origines de la philosophie pourraient être à rechercher du côté des gymnosophistes et des druides. Qui sont-ils ? Le doxographe en fait mention au tout début de son œuvre (Diogène Laërce, Vie et doctrines des philosophes illustres, I, 3), lorsqu’il énumère les origines possibles de la philosophie. Mais on en apprend peu, malheureusement :

« Ainsi ils disent que les gymnosophistes et les druides s’énonçaient en termes énigmatiques et sentencieux, qu’ils recommandaient d’honorer les dieux, de s’abstenir du mal et de s’exercer au courage. On trouve aussi dans le douzième livre de Clitarque que les gymnosophistes professaient le mépris de la mort ».

De fait, il serait possible de rapprocher le mode de vie des gymnosophistes de celui de l’école cynique qui apparut à Athènes avec Antisthène au IVème siècle avant Jésus-Christ.

Michel Onfray nous rappelle cependant, dans sa Contre-histoire de la philosophie que la philosophie grecque n’est pas que platonicienne. « Platon, c’est la préférence à l’Idéal et le rejet du réel matérialiste. D’où ses inimitiés avec les autres. L’idéalisme, en faisant prendre les vessies mythologiques pour des lanternes philosophiques , interdit de penser le monde tel qu’il est, nous projetant dans un arrière-monde inventé. Le Phédon de Platon nous enseigne l’immortalité de l’âme, elle-même constituée d’un subtil mélange de terre, d’eau, de feu et d’air. Il déconseille les plaisirs, prône une vie austère. La récompense viendra après. Pourtant, Démocrite parlait déjà d’atomes et Épicure peaufinera sa théorie. Avec Lucrèce, on s’approche de l’athéisme. Saint Augustin prendra beaucoup plus tard le sillon de Platon, sur la haine du corps, des plaisirs, des désirs et l’excellence de la mort, thanatophilie paulinienne de rigueur (saint-Paul ou Paul de Tarse). Le matérialisme, étouffé, ne refera jamais vraiment surface et son corollaire l’hédonisme sera mal vu dans l’ordinaire ».

Michel Onfray, nous donne ainsi des clefs de compréhension de cette histoire philosophique et du « match entre deux grandes tendances : l’idéaliste et la matérialiste. D’un côté Leucippe, Démocrite, Aristippe, Diogène, Épicure, Lucrèce, Horace, etc. De l’autre, leurs contemporains, Pythagore, Parménide, Cléanthe, Chrysipppe, Platon, Marc Aurèle, Sénèque, etc. : atomistes, monistes abdéritains, matérialistes et hédonistes contre idéalistes, dualistes, éléates, spiritualistes et tenant de la ligne ascétique. »

«  Les seconds sont sortis vainqueurs et ce sont eux qui ont écrit l’histoire… peu crédible » nous dit-il. Mais « C’est aussi en lisant leurs détracteurs (des vaincus) qu’on a pu imaginer qui étaient ces philosophes que le temps a écarté » précise-t-il.

Ces philosophes là de l’Antiquité, ainsi réhabilités, ne se constituent pas contre le corps, malgré lui ou sans lui, mais avec lui. Ils y sont  donc pour beaucoup dans le naturisme d’aujourd’hui.

Medieval miniature reproducing the meeting of the gymnosophists with Alexander, c. 1420, Historia de proelis